cabanes-ateliers
Un beau jour début septembre des cabanes ont surgi sur l’esplanade Roger Linet dans le quartier de Belleville à Paris. Abris précaires, nomades, fragiles dans leur construction mais puissants dans les solidarités qu’ils génèrent.
C’est l’équipe d’Agrafmobile qui a investi cette esplanade, sur invitation de la Maison des Métallos, dans le cadre d’une coopérative artistique: une CoOP, autour du thème «réinventer l’agora».
Une expérience à la croisée des arts visuels, du design et de l’urbanisme transitoire.
L’esplanade qui fait face à la Maison s’est transformée en fabrique d’utopies urbaines, un laboratoire pour une Agora à réinventer. Il s’agissait d’habiter le monde dans tous les sens du terme, y vivre, s’y rencontrer, se parler, y créer ensemble… pour s’exprimer, se transformer et transformer son environnement. Un programme d’ateliers de création avec des écoles du quartier, les associations, les habitants et les passants…

habiter l’espace
Dès le premier jour, le fait d’habiter la place a transformé le regard des passants. Ils ralentissaient leur pas, intrigués, curieux, ils changeaient de trottoir pour venir nous voir, se renseignaient sur ce qui s’y fabriquait et parfois pour s’inscrire dans un atelier futur. Les cabanes se sont faites adopter par les habitants. Parfois comme abri, quand nous découvrions le matin le matelas qui avait servi à y passer la nuit. Les chibanis qui causaient sur le banc public s’y réfugiaient quand il pleuvait. Les élèves du lycée de stylisme s’y installaient pour la pause midi. Des jeunes migrants y trouvaient leur endroit pour causer et des ados du quartier faisaient leur sieste dans la cabane-hamac. Les enfants de la maternelle expérimentaient la suite des trois cabanes comme un terrain de jeu entraînant leurs parents…

Autour des mêmes cabanes se sont fabriquées des folies, micro-architectures rêvées du territoire urbain. Des ateliers de fabrication de masque ont permis à chacun de se projeter dans une autre figure, et ceux de porte-voix ont amplifié nos expressions pour donner écho à nos mots intimes.

Chaque vendredi soir un apéro-vernissage a montré les objets conçus pendant la semaine et qui ont ensuite été portés dans la grande salle claire de la Maison des Métallos.

Pendant ce temps, Lucile Bataille emmenait les élèves des écoles, les participants des jardins partagés et d’autres acteurs locaux, dans la création in situ d’un «toupi-drome» ou d’un portail d’accueil pour leurs lieux…

du paysage modulaire…
«Chaque jour j’y ai installé petit à petit un paysage plastique et graphique pour former un lieu-sculpture intégrant les formes produites dans les cabanes-ateliers. Des îlots comme des strates de cartes topographiques commençaient à émerger du grand plateau de la salle claire. Ensuite, des premiers objets ont peuplé ces îlots, ont changé de place pour réapparaître dans une autre configuration le jour après. Des «sculptures de réemploi» qui puisent dans les usages des objets pour les déplacer et les reconfigurer, ont émergé: par exemple des prises d’escalade ont composé un parc de sculptures à l’horizontale, des barres de saut d’obstacle ont été entassées en mikado géant, des boules de toutes sortes ont formé une constellation de planètes…

…à la forêt urbaine
Des verticalités de plus en plus fortes s’affirmaient avec des arbres en papier, formants des forêts graphiques de plus en plus denses. Des bois aussi poussaient sur les plateaux posés au sol, pour accueillir les folies architecturales et masques, mais aussi des ‘arbres’ pour les porte-voix. Fin septembre le «paysage modulaire» s’est mué en «forêt urbaine» débordant aussi des objets des cabanes-ateliers et approchant ce lieu-sculpture que j’avais projeté.
On pouvait s’y promener, y faire une sieste, discuter des modifications à apporter pour les jours qui suivent… et revenir une semaine après voir ce jardin muer en une agora intérieure.»

les Before, soirées de performances
La forêt s’est d’abord animée avec la composition de Marc Namblard donnant vie par ses bruits d’animaux, d’insectes, des bruissements de feuilles ou des craquements de glaciers qui s’entrechoquent. Puis les moments de performances avec les
Martine’s et Tristan Macé en improvisation musicale et Alessandro Brizio performant l’espace avec du papier japonais, faisant voler les feuilles pour ensuite danser avec et les boxer, tout en déambulant dans la forêt…

un espace d’expérimentation
Toute la Maison des métallos a été transformée en un espace d’expérimentation. Avec les ‘Portraits Pixel’ installés dans le hall. Et le dispositif ‘Spectres’ qui a permis d’éprouver l’étrange beauté des fantômes. ‘NuageMot’ a transformé chaque participant en performeur, générant une création visuelle et sonore au rythme des variation de sa voix. Les artistes complices invités ont pu faire découvrir des nouvelles formes entre création visuelle et sonore comme ‘Chronostasis’ et ‘Tempest’ d’Antoine Schmitt et Franck Vigroux et ‘Eau Forte’ de Patricia Dallio et Mathieu Sanchez. L’Agora s’est réinventée dans la poétique du jardin de lettres formées par ‘Instants Mobiles’ composé des vingt-six lettres de l’alphabet et déclenchant au toucher une sonorité chaque fois singulière avec lesquels Alessandro Brizio a composé sa danse acrobatique.

des Mots voyageurs
Sur la place, les grandes affiches ‘Mots Voyageurs’ ont célébré chaque jour le métissage de la langue française et restitué le grand voyage des mots à travers d’autres langues et cultures. J’avais invité des graphistes et typographes du monde entier à interpréter un mot français venu d’ailleurs et souvent issu de la langue du créateur invité.

questionnements
Chaque semaine, à trois reprises, des rencontres-débats ont interrogé ces différentes formes de créations contextuelles, s’articulant aux projets présentés et aux invités qui ont prêté pour un moment leurs ouvrages.

Comment l’urbanisme transitoire peut contribuer à rendre l’espace public? Comment les designers peuvent repenser nos fragilités? Comment la création visuelle et le design graphique peuvent renouveler les modes de transmissions des savoirs?

L’expérience de cette «coopérative artistique» a été un formidable catalyseur pour approfondir ces questionnements, les mettre en pratique et explorer des possibles…»

Malte Martin
octobre 2019

 

CoOP «On réinvente l’agora»
Malte Martin/Agrafmobile

sur invitation
de La Maison des métallos en
septembre 2019.

Maison des métallos
Équipement culturel
de la Ville de Paris
94 rue J.P. Timbaud, 75011 Paris
maisondesmetallos.paris

  • crédits

    direction artistique, conception graphique et scénographie: Malte Martin
    conseil artistique: Lucile Bataille/Structure bâtons
    construction et montage: Laurent Giraudon
    chargée de production: Sarah Menouer
    Ateliers graphiques: Lucile Bataille et Charlotte AttalCamille Boubals et Maël Budiartha (stagiaires graphiques)
    Backoffice graphique: Benjamin Fernandes et Vassilis Kalokyris
    régie: équipe technique de La Maison des métallos
    bande-sonore (extrait): Marc Namblard
    performance musicale «Bruit blanc»: Les Martine's et Tristan Macé
    danse-papier: Alessandro Brizio
    escalade: Les Lémuriens, association Le Mur Escalade
    réalisation et montage du film: Célia Pernot
    photographies: Célia Pernot, Malte Martin/Agrafmobile et Alizée Gau

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